ACTIVITé PHYSIQUE : C'EST PROUVé, UNE PRATIQUE à L’ADOLESCENCE EST BéNéFIQUE POUR LA SANTé MENTALE UNE FOIS ADULTE

Une étude menée par l’équipementier Asics révèle que chaque année supplémentaire pendant laquelle un adolescent pratique une activité physique est associée à un bien-être mental positif à l'âge …

Les troubles de santé mentale, telles la détresse psychologique, l’anxiété et la dépression, sont en augmentation dans l’ensemble des pays industrialisés et ont des effets délétères sur les plans tant individuel que social et économique. S’il existe différentes stratégies pour les traiter, dont la pharmacothérapie et la psychothérapie, leur efficacité n’est pas toujours optimale. C’est pourquoi il importe de promouvoir davantage le bien-être psychologique et de prévenir l’apparition des troubles de santé mentale et, à ce chapitre, la littérature scientifique sur l’efficacité de l’activité physique prend de l’ampleur. C’est dans ce contexte que la marque Asics a lancé en 2024 sa deuxième étude « State of Mind », avec plus de 26 000 personnes interrogées au sein de 22 pays, dont la France (résultats disponibles en ligne). Le but : explorer le lien entre activité physique et bien-être mental à travers le monde via le score « state of mind » calculé à partir des scores moyens cumulés pour les dix traits cognitifs (concentration, calme, vivacité, dynamisme) et émotionnels (positivité, confiance, maîtrise de soi, résilience). Une note sur 10 a été attribuée pour chaque trait.

Les résultats obtenus évoquent plus précisément l’importance du lien entre le fait d'être physiquement actif à l'adolescence et un bien-être mental à l’âge adulte, et ce bien que les jeunes générations se désintéressent du sport plus tôt et en plus grand nombre que les générations précédentes. Ainsi, l'activité physique a un impact direct sur les scores state of mind mondiaux : plus les personnes bougent, plus leur score est élevé. Il s’avère que les personnes qui font de l'exercice régulièrement (150 minutes d'activité physique ou plus par semaine) ont un score State of Mind moyen de 67/100, tandis que celles qui n'en font pas (29 minutes d'activité physique ou moins par semaine) ont un score bien moins élevé de 54/100. Les effets positifs se font en premier lieu sentir du côté du dynamisme, de la confiance, de la concentration, et de la relaxation. Alors que de nombreuses études scientifiques affirment que rester actif à l’adolescence est essentiel pour établir de bonnes habitudes d’exercice qui durent jusqu’à l’âge adulte, les auteurs ont pu identifier les âges de 15 à 17 ans comme étant les années les plus critiques pour rester actif.

« L'adolescence est une période clé où nous développons nos habitudes de vie »

Paradoxalement, il s’agit aussi du moment où l’abandon d’un exercice physique régulier affecte de manière significative l’état mental pour les années à venir. Les résultats dans ce domaine indiquent que les personnes pratiquant régulièrement de l'exercice entre 15 et 17 ans sont plus susceptibles de rester actifs plus tard dans la vie : au niveau mondial, 58 % des personnes qui pratiquaient une activité physique régulière à cet âge continuent à l'âge adulte, contre 53 % pour celles qui n'en pratiquaient pas. Et sans surprise, ces dernières rapportent des scores d'état d'esprit plus élevés à l'âge adulte (64/100 contre 61/100) par rapport à celles qui n'étaient pas actifs au cours de ces années. En comparaison, les répondants qui ont arrêté de faire de l’exercice avant l’âge de 15 ans ont affiché les niveaux d’activité les plus bas et les scores d’état d’esprit les plus bas à l’âge adulte. En détails, les chiffres montrent que 30 % sont encore inactifs à l’âge adulte et se révèlent 11 % moins concentrés, 10 % moins confiants, 10 % moins calmes et 10 % moins posés par rapport à ceux qui ont pu faire de l’exercice tout au long de l’adolescence.

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S’ajoute à cela le fait que les sondés qui ont arrêté de faire de l'exercice avant l'âge de 15 ans affichent un score « state of mind » inférieur de 15 % à la moyenne mondiale, tandis qu'une baisse de l'activité physique à 16-17 ans et avant 22 ans a réduit leurs scores de 13 % et 6 % respectivement. Or, le professeur Brendon Stubbs, chercheur de premier plan dans le domaine de l'exercice et de la santé mentale au sein du King's College de Londres tient à rappeler que l’adolescence est une période charnière au cours de laquelle les habitudes acquises ont tendance à se pérenniser voire à s’accentuer à l’âge adulte avec des effets associés sur la santé. « L'adolescence est une période clé où nous développons nos habitudes de vie. L'activité physique est un exemple où l'habitude est souvent solidifiée ou peut être perturbée et il est par la suite plus difficile pour les gens de commencer à faire de l'exercice plus tard (mais pas impossible). Ainsi, si un jeune aime vraiment faire de l’exercice physique pendant cette période, il est alors beaucoup plus susceptible de le faire toute sa vie et d’avoir un meilleur état d’esprit. », indique-t-il à Version Femina.

La majorité des adolescents du monde ne sont pas assez actifs physiquement

Quant à la question de savoir pourquoi les personnes ayant arrêté de faire du sport avant l’âge de 15 ans reprennent rarement goût à l’activité physique à l’âge adulte, ce dernier répond que « construire cette habitude à l’adolescence signifie qu’elle peut être plus facile à maintenir à l’âge adulte car la fenêtre d’opportunité pour développer de nouvelles habitudes à l’âge adulte est souvent plus petite à mesure que les adultes acquièrent beaucoup plus de responsabilités. » Or, le contexte actuel est particulièrement propice à l’augmentation des temps de sédentarité et tout particulièrement du « temps écran », avec le développement d’une offre numérique abondante et de nouvelles technologies incitant encore davantage à la sédentarité. Les effets du confinement accentuent par ailleurs la tendance à l’inactivité physique et la sédentarité. Preuve en est : une étude établie par des chercheurs de l’OMS publiée en 2019 révèle qu’au niveau mondial, plus de 80 % des adolescents scolarisés (85 % des filles et 78 % des garçons) ne respectent pas la recommandation actuelle, qui est de faire au moins une heure d’activité physique par jour.

Les auteurs expliquent que le manque d’activité physique reste un problème très courant chez les adolescents et qu’il met en danger leur santé actuelle et future. « Il faut prendre des mesures urgentes pour renforcer l’activité physique, en particulier pour inciter les filles à faire de l’exercice et les encourager à continuer lorsqu’elles se sont engagées sur cette voie », expliquait la Dre Regina Guthold de l’OMS, une des auteurs de l’étude. Un mode de vie physiquement actif pendant l’adolescence améliore la forme cardiorespiratoire et musculaire ainsi que l’état des os et la santé cardiométabolique. Des données de plus en plus nombreuses tendent aussi à indiquer qu’il améliore le développement cognitif et la socialisation. L’OMS rappelle par ailleurs que les données dont ses experts disposent aujourd’hui laissent bien penser qu’une part de ces effets continuent de se faire ressentir à l’âge adulte. En France, une experte de l’ANSES* montrent que les jeunes de l'Hexagone ne sont pas épargnés puisque parmi les jeunes de 11 à 17 ans, 66 % dépassement simultanément deux seuils sanitaires : plus de 2 heures de temps écran et moins de 60 minutes d’activité physique par jour.

Sport : les pratiques des générations se heurtent entre elles

Face à ces chiffres, l’agence rappelle que des niveaux de sédentarité élevés (le temps passé assis ou allongé devant un écran de loisir, hors temps scolaire, qui, lorsqu’il est supérieur à 2 heures par jour peut constituer un risque pour la santé) sont le plus souvent associés à des risques de surpoids et d’obésité chez les enfants, mais aussi à des troubles du comportement alimentaire ainsi qu’à une qualité du sommeil et de vie altérée.  Fait inquiétant, l’étude Asics révèle qu’à chaque génération, les adolescents abandonnent l'activité physique plus tôt et en plus grand nombre qu'auparavant. Il a en effet été constaté que 57 % de la génération silencieuse (âgée de 78 ans et plus) ont déclaré avoir été actifs quotidiennement pendant leur enfance, contre seulement 19 % de la génération Z (âgée de 18 à 27 ans). Cet écart n’est pas sans conséquence sur le bien-être mentale des jeunes générations, car ces dernières affichent systématiquement des scores state of mind inférieurs à ceux des générations précédentes. Et ce sachant que la génération Z obtient le plus bas score avec 62/100, tandis que la génération silencieuse atteint le plus élevé avec 70/100.

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Le professeur Brendon Stubbs estime que ce phénomène pourrait avoir un impact considérable sur le bien-être mental futur dans le monde, étant donné que « cela pourrait être une bombe à retardement d’inactivité, surtout si l’on considère que plus les gens bougent (surtout à l’adolescence), meilleur est leur état d’esprit à l’âge adulte. » Ce dernier ajoute : « il semble que l'augmentation des comportements sédentaires et du temps passé devant un écran pourrait expliquer la difficulté des jeunes à se motiver et à pratiquer une activité physique. » Pourtant, l’Assurance maladie estime que les adolescents devraient consacrer en moyenne 60 minutes par jour à une activité physique d’intensité modérée à soutenue, principalement d’endurance, tout au long de la semaine, selon ses goûts : gymnastique, danse, escalade, sports collectifs, sport dans un club ou une association... Mais cette problématique semble particulièrement concerner les adolescentes, selon une autre étude de l’OMS publiée en 2022. À l’échelle mondiale, 85 % d’entre elles ne pratiquent pas ces 60 minutes d’activité physique modérée à intensive par jour contre 78 % des garçons.

C’est donc sans surprise que l’étude Asics révèle non seulement que les hommes présentent un score plus élevé que celui des femmes (67 contre 62) mais aussi que les femmes font environ 40 minutes de sport en moins par semaine. Le Pr Brendon Stubbs fait toutefois remarquer qu’il n’est jamais trop tard pour chausser ses chaussures, peu importe son âge. Et ce au regard de cette bonne nouvelle : les recherches menées par ASICS montrent que 15 minutes suffisent pour ressentir des effets positifs sur la santé mentale. « L'activité physique joue un rôle essentiel dans la promotion d'un esprit et d'un corps sains tout au long de la vie d'une personne. Une activité physique régulière favorise le remodelage osseux, réduit le risque d'ostéoporose et de fractures et maintient une bonne musculature squelettique, ce qui réduit le risque de fragilité à un âge avancé. Nos travaux ont montré qu’elle favorise une bonne santé cardiaque, réduit le risque de diabète et de nombreuses autres maladies chroniques, stimule la forme cardiorespiratoire et la force musculaire. Elle est aussi associée à un risque réduit de dépression et d’anxiété, ainsi l’exercice joue aussi un rôle clé dans la protection de notre esprit. », conclut-il.

Trois questions au professeur Brendon Stubbs :

Votre étude s’intéresse particulièrement au lien entre sport et santé mentale chez les adolescents, puis chez les adultes, pourquoi ?

L'indice sur l'état d'esprit montre qu'il s'agit d'une période charnière pour promouvoir l'activité physique tout au long de la vie et que chaque année, les jeunes restent engagés dans le sport, meilleur est leur état d'esprit à l'âge adulte. Nous savons également que plus de la moitié des problèmes de santé mentale se développent pendant l’adolescence et que c’est le moment optimal pour la prévention et la gestion de ces problèmes.

Quels conseils pouvez-vous donner aux parents pour réussir à inciter leur adolescent à faire davantage d'activité physique de manière régulière ?

Je recommande aux parents de faire en sorte que leurs adolescents trouvent une activité qu’ils aiment et de continuer à la pratiquer. Vous n’avez pas besoin de vous conformer à ce qu’on vous enseigne à l’école ou à ce que font les autres enfants. Si vous aimez courir, allez courir, si vous aimez danser, allez danser, jouez au tennis, faites du yoga. Pour notre santé mentale, le type de sport que nous pratiquons est moins important que la cohérence dans nos activités.

Quels conseils donner aux adultes qui n’ont pas pratiqué d’activité physique durant leur adolescence et qui, de ce fait, ne se sentent pas capables de bouger activement ?

Je leur donnerais le même conseil. Je les encourage également à considérer que s'ils ont eu une mauvaise expérience dans leur jeunesse et qu'ils ont le sentiment que l'exercice n'est pas pour eux, il est important d'essayer n'importe quel mouvement, du moment qu’il est apprécié. Cela peut être marcher, courir… trouvez le mouvement que vous aimez et continuez à l'essayer. Un autre facteur qui peut aider à rester motiver sur la durée est de faire leur mouvement avec des amis.

*L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail

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