PARC D’ATTRACTIONS INSPIRé DE «DRAGON BALL» : LE NOUVEAU PROJET PHARAONIQUE DE L’ARABIE SAOUDITE EN DéPIT DE L’URGENCE CLIMATIQUE

La bande-annonce du nouveau projet saoudien est à l’image du futur parc d’attractions : démesurée. Vendredi 22 mars, la monarchie du Golfe a annoncé le lancement d’un grand projet de parc à thème inspiré de l’univers du plus célèbre manga japonais, Dragon Ball. Une première mondiale dont l’annonce intervient trois semaines après la mort, le 1er mars, de son créateur Akira Toriyama et la vague d’émotion qui s’est ensuivie.

Le futur complexe s’étendra sur près de 500 000 m2, répartis en sept différentes zones, en référence aux sept boules de cristal du manga. Les promoteurs du projet, réunis sous le nom de Qiddiya Investment Company, promettent la construction d’une trentaine de manèges, dont «cinq attractions révolutionnaires». Une statue de dragon immense trônera au centre du parc, aux côtés des montagnes russes qui s’élèveront à 70 mètres de hauteur. Des montagnes enneigées et des palmiers en bordure d’une lagune bleu turquoise complètent le paysage de fiction. «Les visiteurs auront également la possibilité de séjourner dans des hôtels à thème et de savourer des cuisines exotiques à l’intérieur de monuments imposants», précise le constructeur.

«Doutes sur le respect des objectifs climatiques»

La date d’ouverture prévue du parc n’a toutefois pas été communiquée, ni son coût. Et encore moins son empreinte carbone. Seule indication : pour s’aligner avec l’objectif saoudien «zéro émission nette» en 2060, le projet veillera à «respecter pleinement les politiques de durabilité environnementale de l’Arabie Saoudite» et à suivre «les meilleures pratiques en matière de développement durable».

«On peut se permettre d’émettre des doutes sur le respect des objectifs climatiques affichés par l’Arabie Saoudite lorsque l’on voit le lancement d’un tel chantier. C’est totalement en inadéquation», analyse pour Libération Ana Missirliu, experte en politique climatique du Moyen-Orient au sein du groupe de réflexion New Climate Institute. Sur le site internet dédié au parc à thème, aucune mention n’est faite de l’origine de l’électricité prochainement sollicitée sur le site. Ni du volume de ses besoins en eau. Seule indication : «L’eau est limitée et essentielle à la vie. Nous mettrons en œuvre les meilleurs systèmes et technologies d’efficacité de l’eau.»

«Je ne pense pas qu’il y ait une ambition de l’Arabie Saoudite de développer les énergies renouvelables, met en garde Ana Missirliu. Le mix énergétique du pays reste à presque 100 % dominé par les énergies fossiles selon les données de 2020.» Elle ajoute : «L’Arabie Saoudite a mis très peu de politiques en place pour décarboner son économie et prévoit d’utiliser les énergies fossiles pour encore de nombreuses années.» Principal producteur de pétrole mondial, le pays figure aujourd’hui dans les dix premiers pays au monde en matière d’émissions de carbone par habitant.

Projet «antinomique avec les objectifs climatiques mondiaux»

Le futur parc Dragon Ball sera construit à Qiddiya, à 40 kilomètres de la capitale Riyad. Cette ville d’Arabie Saoudite, entièrement dédiée aux loisirs, ambitionne de devenir l’une des principales destinations touristiques au monde. Un pan incontournable pour asseoir le soft power de Riyad et accroître sa visibilité. La future cité de divertissement du oyaume se situe ainsi au cœur du programme national «Vision 2030», un plan de transition du pays pour s’affranchir de sa dépendance économique aux hydrocarbures et diversifier son économie. Qiddiya doit accueillir, à terme, un autre parc à thème aquatique, un immense terrain de golf, un circuit de Formule 1 ou encore un hippodrome.

«Le problème, ce n’est pas seulement ce projet en particulier, mais l’ensemble du projet saoudien Vision 2030 dont le but est de construire ce genre de ville et d’attractions complètement déconnectées des réalités physiques, climatiques et économiques de la planète», s’inquiète Elise Naccarato, responsable de campagne Climat chez Oxfam France, auprès de Libération. Elle s’indigne de ce «genre de tourisme haut de gamme» qui ne «répond à aucune demande, mais crée un besoin artificiel destructeur pour la planète».

La zone et ses multiples attractions espèrent attirer 17 millions de visiteurs par an d’ici 2030. «La création d’une ville climatisée en plein désert, ce n’est pas juste incompatible avec les objectifs climatiques mondiaux. C’est antinomique. C’est impossible d’être neutre en carbone en 2060 et de faire ce genre de projet, appuie-t-elle avec fermeté. L’Arabie Saoudite est en plein déni de réalité.»

2024-03-25T16:58:39Z dg43tfdfdgfd